Question prioritaire de constitutionnalité : Amendes

Catégorie : Chroniques / actualité fiscale

L’amende 50% pour factures de complaisance et factures fictives est-elle conforme à la Constitution ?

Les infractions aux règles de facturation sont sévèrement sanctionnées sur le plan fiscal. C’est ainsi qu’une disposition du Code général des impôts (l’article 1737-I-1) prévoit l’application d’une amende égale à 50% du montant des sommes versées ou reçues pour quiconque travestit ou dissimule l’identité ou l’adresse de ses fournisseurs ou de ses clients, les éléments d’identification devant figurer sur les factures ou accepte sciemment l’utilisation d’une identité fictive ou d’un prête-nom.

Le Conseil d’Etat vient de saisir le Conseil constitutionnel d’une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) afin de savoir si cette disposition est ou non conforme à la Constitution.

Cette question a été soulevée par une société à l’appui de sa demande tendant notamment à la décharge de l’amende à laquelle elle a été assujettie. Par une ordonnance enregistrée le 13 juin 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Melun, avant qu’il soit statué sur la demande de la société, a décidé de transmettre au Conseil d’Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l’article 1737-I-1 du CGI.

Dans sa question, la société soutient, en s’appuyant sur la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, que cet article méconnaît les principes de nécessité des délits et des peines, de proportionnalité des peines et de non cumul des peines, porte atteinte au droit de propriété et méconnait le principe de la présomption d’innocence.

Le Conseil d’Etat, dans un arrêt n°453359 du 19 juillet 2021, a jugé de tels arguments suffisamment sérieux pour transmettre la question au Conseil constitutionnel. La réponse de celui-ci sera scrutée avec beaucoup d’intérêt.

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Exonération de la plus-value en cas de première vente d’un logement autre que la résidence principale : Gare au démembrement !

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Une disposition du code général des impôts prévoit l’exonération de la plus-value réalisée lors de la première vente d’un logement, autre que la résidence principale, à condition que le vendeur remploie, tout ou partie, du prix de vente, dans un délai de vingt-quatre mois à compter de la vente, à l’acquisition ou la construction d’un logement qu’il affecte à son habitation principale.

L’exonération est subordonnée à la condition que le vendeur n’ait pas été propriétaire de sa résidence principale au cours des quatre années précédant la vente.

 

Le Bulletin Officiel des Finances Publiques, qui rassemble l’ensemble des commentaires de l’administration fiscale, précise que « dès lors que le cédant est propriétaire de sa résidence principale au jour de la cession ou l’a été à un moment quelconque au cours des quatre années qui précèdent la cession, l’exonération n’est pas applicable. De même, la détention d’un droit démembré ou d’un droit indivis sur un immeuble d’habitation affecté à la résidence principale du cédant est de nature à priver le contribuable du bénéfice de l’exonération

 

Un contribuable a saisi le Conseil d’Etat, d’un recours pour excès de pouvoir, pour obtenir l’abrogation de la seconde phrase de ce commentaire de l’administration fiscale. Il a soutenu que les dispositions du code général des impôts méconnaissent les principes d’égalité devant la loi et d’égalité devant les charges publiques dans la mesure où elles excluent du bénéfice de l’exonération de la plus-value les contribuables qui ont détenu l’usufruit de leur résidence principale au cours des quatre années précédant cette cession.

 

Le Conseil d’Etat ne l’a pas suivi. La Haute juridiction a rappelé, dans un  arrêt n°453490 du 15 juillet 2021, qu’en imposant cette condition, le législateur a entendu favoriser l’investissement dans l’acquisition d’une résidence principale et en réserver le bénéfice aux contribuables qui ne détiennent aucun droit réel immobilier sur le bien qu’ils ont élu pour domicile. Pour le Conseil d’Etat, il n’y a pas lieu de renvoyer une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) au Conseil constitutionnel et les commentaires de l’administration n’ajoutent rien à la loi, se bornant à expliciter les dispositions légales et ne méconnaissent pas l’objectif poursuivi par le législateur.

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Accord de l’OCDE sur un nouveau système de taxation des multinationales

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L’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) a annoncé que 130 pays sont parvenus le 1er juillet à un accord sur une réforme de la taxation des multinationales, prévoyant notamment la mise en place d’un impôt minimum sur les bénéfices « d’au moins 15% ».

130 pays et juridictions, représentant plus de 90% du PIB mondial, ont adhéré à la Déclaration qui instaure un nouveau cadre pour la réforme de la fiscalité internationale. La solution retenue repose sur deux piliers ayant pour objectif que les grandes entreprises multinationales paient des impôts là où elles exercent des activités et génèrent des bénéfices.

Le premier pilier garantira une répartition plus équitable des bénéfices et des droits d’imposition entre pays concernant ces grandes entreprises, y compris celles du numérique. Il permettra de réattribuer une partie des droits d’imposition sur ces entreprises de leurs pays d’origine aux pays de marché dans lesquels elles exercent des activités commerciales et réalisent des bénéfices, qu’elles y aient ou non une présence physique.

Le second pilier encadrera la concurrence fiscale en matière d’impôt sur les bénéfices des sociétés en introduisant un impôt minimum mondial, que les pays pourront prélever pour protéger leur base d’imposition.

Au titre du premier pilier, des droits d’imposition sur plus de 100 milliards de dollars américains de bénéfices devraient être réattribués chaque année aux juridictions de marché. L’impôt minimum mondial sur les bénéfices des sociétés, avec un taux d’au moins 15%, prévu par le second pilier, devrait générer environ 150 milliards de dollars américains de recettes fiscales supplémentaires par an au niveau mondial.

La mise en œuvre effective des nouvelles règles devrait intervenir en 2023.

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Dons de sommes d’argent et exonération de 100.000 euros : d’utiles précisions

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Dans une réponse ministérielle du 22 juin 2021 à une question posée par le député Patrick Loiseau, le gouvernement a apporté des précisions concernant l’exonération temporaire de droits de donation pour certains dons familiaux dans la limite de 100 000 euros

La loi de finances rectificative pour 2020 a prévu que les dons de sommes d’argent consentis en pleine propriété à un enfant, un petit-enfant, un arrière-petit-enfant ou, à défaut d’une telle descendance, un neveu ou une nièce entre le 15 juillet 2020 et le 30 juin 2021, sont exonérés de droits donation dans la limite de 100.000 euros, si les sommes sont affectées par le donataire, au plus tard le dernier jour du troisième mois suivant le transfert, à la construction de sa résidence principale.

L'exonération prévue par ces dispositions est subordonnée à l’affectation des sommes données à la construction par le donataire de sa résidence principale. L’acquisition du terrain d’assiette sur lequel la résidence principale doit être réalisée ne saurait être confondue avec la construction de cette dernière.

Par conséquent, l’acquisition d’un terrain à bâtir n’est pas au nombre des affectations des sommes reçues en donation ouvrant droit pour le donataire à l’exonération.

Par ailleurs, il est admis que les travaux d’extension, d’agrandissement ou de surélévation, qui ont pour effet d’accroître le volume ou la surface habitable d’une résidence principale existante, s'analysent en des travaux de construction pour l’application de l’exonération.

Le bénéfice de l’exonération de droits de donation suppose que le donataire se dessaisisse d’une somme égale au montant du don dans un délai expirant à la fin du troisième mois suivant son versement, afin de financer la construction de sa résidence principale.

En effet, il résulte des travaux parlementaires que l’objectif du dispositif est d’inciter au déblocage de l’épargne accumulée pendant le confinement, afin de faciliter le rebond de l’économie. L’affectation des sommes d’argent dans les trois mois suivant leur transfert s’entend en principe de leur versement effectif dans ce délai par le donataire :

- en contrepartie de l’acquisition du matériel nécessaire à la construction de sa résidence principale ou de la réalisation des travaux de viabilisation du terrain d’assiette dès lors que ces derniers sont inclus dans les dépenses exposées par le contribuable pour la construction sur ce dernier de sa résidence principale ;

- et/ou aux personnes avec lesquelles il contracte pour la construction de sa résidence principale, sans préjudice de la faculté pour ces dernières de procéder au paiement échelonné des dépenses engagées à cette fin, au fur et à mesure de l’avancement du chantier.

Le bénéfice de l’exonération n’est pas subordonné au commencement des travaux de construction à une date postérieure à celle de la donation et la somme donnée, dans la limite globale de 100.000 euros, peut faire l’objet de plusieurs versements par un même donateur à un même donataire jusqu’à l’extinction du dispositif prévue le 30 juin 2021.

Enfin, le donataire doit conserver les pièces justificatives de cette affectation à la disposition de l’administration.

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Achat-revente d’un immeuble ancien : Le marchand de biens ne peut pas déduire la TVA lors de l’acquisition

Catégorie : Chroniques / actualité fiscale

Dans un arrêt n°429498 du 9 juin 2021, le Conseil d’Etat a rappelé que le droit à déduction de la TVA ayant grevé l’achat, par un marchand de biens, d’un immeuble ancien, loué dans l’attente de sa revente, ne peut pas être exercé dès son acquisition.

Lorsqu’un immeuble achevé depuis plus de cinq ans est acquis en vue de sa revente, la TVA ayant éventuellement grevé le prix d’acquisition n’est pas déductible sauf exercice, au moment de la revente, de l’option à la TVA. En conséquence, la taxe acquittée lors de l’acquisition du bien n’est pas déductible avant cette date, même si l’immeuble donne lieu, dans l’attente de sa revente, à des opérations de location soumises à la TVA.

Les faits soumis à l’appréciation du Conseil d’Etat sont les suivants.

La société en nom collectif Le Cap, qui exerce une activité de marchand de biens, a acquis le 30 janvier 2014 un immeuble achevé depuis plus de cinq ans dont l’acquisition a été assujettie à la TVA. A l’issue d’une vérification de la comptabilité de la société, l’administration fiscale a estimé que la TVA ayant grevé le coût d’acquisition de cet immeuble n’était pas immédiatement déductible et a notifié à la société un rappel de TVA au titre de la période du 14 octobre 2013 au 31 octobre 2014. L’administration ayant maintenu sa position, la société Le Cap a porté le litige devant le tribunal administratif de Paris qui, par un jugement du 23 mai 2018, a rejeté sa demande. Par un arrêt du 6 février 2019, la Cour administrative d’appel de Paris a confirmé ce jugement. La société s’est donc pourvue en cassation contre cet arrêt.

Pour le Conseil d’Etat, lorsqu’un immeuble achevé depuis plus de cinq ans est acquis en vue de sa revente, la TVA ayant éventuellement grevé le prix d’acquisition n’est pas déductible sauf exercice, au moment de la revente, de l’option à la TVA. Par suite, la taxe acquittée lors de l’acquisition du bien n’est pas déductible avant cette date, quand bien même l’immeuble donnerait lieu, dans l’attente de sa revente, à des opérations de location soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. En conséquence, le Conseil d’Etat a rejeté le pourvoi de la société.

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Combien de temps les entreprises doivent-elles conserver leurs documents ?

Catégorie : Chroniques / actualité fiscale

Les entreprises sont tenues de conserver leurs documents civils et commerciaux, leurs documents et pièces comptables, leurs documents fiscaux et sociaux pendant une durée minimale, sous peine de se voir appliquer des sanctions.

Les documents civils et commerciaux

Les contrats conclus dans le cadre d’une relation commerciale, les documents bancaires et les documents établis pour le transport de marchandises doivent être conservés pendant 5 ans. Les déclarations en douane doivent être conservées pendant 3 ans. Les autres documents, tels que les factures clients ou fournisseurs, les contrats conclus par voie électronique, les correspondances commerciales (bons de commande ou bons de livraison) doivent être conservés 10 ans.

Les documents et pièces comptables

Les livres et les registres comptables, ainsi que les pièces justificatives, doivent être conservés pendant 10 ans.

Les documents fiscaux

Les livres, registres, documents ou pièces sur lesquels peuvent s’exercer les droits de communication, d’enquête et de contrôle de l’administration doivent être conservés pendant un délai de 6 ans. Ce délai de conservation concerne notamment l’impôt sur le revenu, l’impôt sur les sociétés, les bénéfices industriels et commerciaux (BIC), les bénéfices non commerciaux (BNC), la cotisation foncière des entreprises (CFE), la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

Les documents sociaux

Les statuts de la société doivent être conservés pendant 5 ans à partir de la radiation de la société du registre du commerce et des sociétés. Les documents relatifs aux comptes annuels (le bilan, le compte de résultat et l’annexe) doivent être conservés 10 ans. Les convocations, les feuilles de présence, les pouvoirs, les rapports du gérant ou du conseil d’administration doivent être conservés pendant 3 ans.

Les sanctions en cas de non conservation des documents

En matière fiscale, une amende de 10.000 euros est applicable en cas d’absence de tenue des documents demandés par l’administration dans l’exercice de son droit de communication ou de destruction de ceux-ci avant les délais prescrits.

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Avances de trésorerie sans intérêts : attention à l’acte anormal de gestion !

Catégorie : Chroniques / actualité fiscale

Selon la théorie de l’acte anormal de gestion, les prêts sans intérêts ou les abandons de créances accordés par une entreprise au profit d’un tiers ne relèvent pas, en règle générale, d’une gestion commerciale normale, sauf s’il apparaît qu’en consentant de tels avantages, l’entreprise a agi dans son propre intérêt.

La Cour administrative d’appel de Nantes, dans un arrêt n°19NT02801 du 17 mai 2021, vient de rappeler que cette règle s’applique même si le bénéficiaire de ces avances est une filiale, hormis le cas où la situation des deux sociétés serait telle que la société mère puisse être regardée comme ayant agi dans son propre intérêt en venant en aide à une filiale en difficulté.

Les faits dont la Cour a eu à connaître sont les suivants. La société civile West Invest est une société holding ayant pour objet social la détention et la gestion de participations au sein du capital de plusieurs sociétés. Elle a fait l’objet d’une vérification de comptabilité au titre des exercices clos de 2012 à 2014. Au cours de ce contrôle, l’administration fiscale a constaté qu’elle avait accordé à une de ses filiales, la société West Promotion, des avances de trésorerie sans mettre à sa charge les intérêts dont le principe figurait dans la convention de gestion de trésorerie conclue avec celle-ci.

Elle a estimé que la société West Invest s’était ainsi privée de recettes sans contrepartie et avait, dès lors, commis un acte anormal de gestion.

Par une proposition de rectification du 18 septembre 2015, elle a informé la société de son intention de réintégrer à son résultat, au titre de chacun des exercices vérifiés, le montant des intérêts auquel elle aurait pu prétendre.

La société a demandé au Tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie. Par un jugement du 15 mai 2019, le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. La société a fait appel de ce jugement.

La Cour administrative d’appel de Nantes a confirmé le jugement de première instance. Selon elle, dans la mesure où la renonciation à percevoir des intérêts est constitutive d’un acte anormal de gestion, il appartient à la société West Invest de démontrer qu’en se comportant de la sorte, elle a agi dans son propre intérêt. Pour se défendre, la société West Invest a notamment fait valoir que cette aide avait contribué à éviter le dépôt de bilan de sa filiale et lui avait ainsi permis de récupérer une avance de trésorerie de deux millions d’euros qu’elle lui avait accordée.

Toutefois, la Cour ne l’a pas suivie, soulignant « qu’à supposer même qu’en l’absence de cette aide financière, la filiale eût déposé le bilan, la société West Invest n’apporte aucun élément permettant de démontrer que la faillite de sa filiale aurait menacé sa propre survie ou aurait porté atteinte à son renom ou à son crédit. Au surplus…aucun élément ne permet d’établir que la société WP qui a, au cours de la période, dégagé un résultat net positif, ou très faiblement négatif, n’était pas en mesure de payer à la société WI les intérêts prévus par la convention de trésorerie. »

La Cour administrative d’appel de Nantes a donc jugé que la société West Invest n’avait pas apporté la preuve, qui lui incombait, de ce qu’elle avait agi dans son intérêt propre en accordant à sa filiale une avance sans intérêts.

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Plus-value immobilière : seize mois d'inoccupation ne font pas perdre au logement sa qualité de « résidence principale »

Catégorie : Chroniques / actualité fiscale

La Cour administrative d’appel de Bordeaux a rappelé, dans un arrêt n°19BX04551 du 6 mai 2021, qu’en matière d’exonération de plus-value immobilière, un logement conserve sa qualité de résidence principale du vendeur au jour de la vente, même si celui-ci a quitté les lieux avant ce jour, à condition que le délai pendant lequel le bien est demeuré inoccupé soit regardé comme normal.

La plus-value réalisée lors de  la vente d’une résidence principale est exonérée, à condition que le logement ait cette qualité de résidence principale du vendeur au jour de la vente. Toutefois, l’administration fiscale admet, lorsque le logement a été occupé par le vendeur jusqu’à sa mise en vente, que l’exonération reste acquise si la vente intervient dans des délais normaux et sous réserve que le logement n’ait pas été, pendant cette période, donné en location ou occupé gratuitement par des membres de la famille du propriétaire ou des tiers.

Aucun délai maximum pour la réalisation de la vente ne peut être fixé a priori. Il convient de faire une appréciation circonstanciée au cas par cas, y compris au vu des raisons conjoncturelles qui peuvent retarder la vente, pour déterminer si le délai de vente peut ou non être considéré comme normal.

Le litige soumis à la Cour était le suivant.

Par un acte authentique du 26 février 2013, un contribuable a vendu un bien immobilier qu’il détenait dans les Landes. Ce bien constituant sa résidence principale, la plus-value a été exonérée. Toutefois, au terme d’un contrôle sur pièces, l’administration fiscale a remis en cause cette exonération. Le contribuable a demandé au Tribunal administratif de Pau de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d’impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l’année 2013. Par un jugement du 3 octobre 2019, le Tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande. La Cour administrative d’appel de Bordeaux vient d’infirmer ce jugement et de donner raison au contribuable au vu des éléments suivants : la vente a eu lieu le 26 février 2013 ; le contribuable avait installé sa résidence principale à Bayonne à compter du mois de septembre 2011 ; au jour de la vente, le logement cédé n’était donc plus la résidence principale du contribuable depuis plus d’un an. Mais dès le 31 janvier 2012, celui-ci avait donné mandat à une agence à l’effet de vendre son bien et la signature du compromis de vente était intervenue le 11 octobre 2012. Pour la Cour, au regard des diligences accomplies, le délai pendant lequel l’immeuble est resté vacant doit être regardé comme normal. Elle a ainsi jugé « qu’un immeuble ne perd pas sa qualité de résidence principale du cédant au jour de la cession du seul fait que celui-ci a libéré les lieux avant ce jour, à condition que le délai pendant lequel l’immeuble est demeuré inoccupé puisse être regardé comme normal. (…) Il en va ainsi lorsque le cédant a accompli les diligences nécessaires, compte tenu des motifs de la cession, des caractéristiques de l’immeuble et du contexte économique et réglementaire local, pour mener à bien cette vente dans les meilleurs délais à compter de la date prévisible du transfert de sa résidence habituelle dans un autre lieu. »

C’est donc a tort que l’administration fiscale a refusé au contribuable le bénéfice de l’exonération de la plus-value.

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Impôt : la demande de remise gracieuse, comment ça marche ?

Catégorie : Chroniques / actualité fiscale

La remise gracieuse de l’impôt consiste en l’octroi, par l’administration fiscale, d’une transaction, d’une remise ou d’une modération d’un impôt. Elle peut porter sur la totalité ou seulement sur une partie d’un impôt ou sur les pénalités à la suite d’un retard de paiement. Seuls les impôts directs peuvent faire l’objet d’une remise. Sont concernés l’impôt sur le revenu, la taxe d’habitation et /ou la contribution à l’audiovisuel public et la taxe foncière. Les droits d'enregistrement, comme les droits de succession et l’impôt sur la fortune immobilière, ne peuvent donner lieu à aucune remise.

Une demande de remise gracieuse est toujours examinée au cas par cas par l’administration fiscale, après analyse de la situation personnelle du demandeur. En pratique, les éléments suivants sont susceptibles de constituer des motifs favorables pour la recevabilité de la demande : un décalage de la période de paiement de l’impôt ; une perte imprévisible des revenus (chômage) ; des circonstances exceptionnelles (décès du conjoint, séparation, invalidité) ou ayant occasionné des dépenses anormalement élevées (maladie) ; une disproportion entre l’importance de la dette fiscale et le niveau de revenus (accumulation d’arriérés ou rappels suite à contrôle). Toutefois, ces motifs précédents ne constituent pas à eux seuls des critères suffisants pour bénéficier d’une remise gracieuse.

L’ensemble des éléments et particularités du dossier sont examinés, au même titre que les éventuels antécédents fiscaux du demandeur en matière de déclaration et de paiement. De même, le respect des éventuels engagements déjà pris, et les éventuels efforts déjà fournis pour apurer la dette, sont examinés avec attention.

Par ailleurs, l’administration fiscale évalue les capacités réelles de paiement du demandeur, en fonction des critères suivants : évaluation du patrimoine et des ressources (y compris des autre personnes du foyer), qu’il s’agisse de ressources actuelles, imposables ou non (allocations sociales, aides municipales, RSA…), permanentes ou temporaires ; prise en compte des dépenses incompressibles de la vie courante du foyer familial : nourriture, santé, assurance, logement (loyer ou équivalent si emprunt bancaire, chauffage, éclairage), frais de transport ; vérification de l’adéquation entre les dépenses et les ressources du demandeur, en rapport avec la composition du foyer. Les raisons pour lesquelles les dépenses excèdent les capacités financières sont examinées (événements particuliers ou choix de mode de vie, cette dernière raison excluant toute remise ou modération) ; évaluation de l’étendue la dette fiscale : l’administration s’assure que l’octroi de délais de paiement peut suffire à apurer la dette.

La demande gracieuse n’entraîne en aucun cas le sursis de paiement. L’administration fiscale est donc autorisée à engager des poursuites pour réclamer le paiement de l’impôt, tant qu’elle n’a pas statué sur la demande. Toutefois, l’administration s’efforce de répondre à toutes les demandes dans les meilleurs délais. Si aucune réponse n’est faite au demandeur dans les deux mois, la demande est considérée comme rejetée. Ce délai peut être porté à quatre mois en fonction de la complexité de la demande. L’administration doit, dans ce cas, informer le demandeur de cette prolongation avant la fin du délai de deux mois.

À l’issue de l’examen de la demande, l’administration peut décider de rejeter celle-ci, d’octroyer une remise ou une modération pure et simple, ou d’octroyer une remise ou une modération conditionnelle. Les décisions prises en matière de remise gracieuse ne sont pas motivées, c’est-à-dire que l’administration n’a pas à justifier les raisons de son choix. Ce principe s’applique quel que soit le sens et la portée de la décision.

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Déduction d’une provision : le retard de paiement de créances démontre le caractère probable du non recouvrement de ces créances

Catégorie : Chroniques / actualité fiscale

Les entreprises commerciales tenant leur comptabilité d’après leurs créances acquises et leurs dettes certaines – et non d’après leurs recettes encaissées et leurs dépenses payées -, elles sont autorisées à comptabiliser des provisions. Il s’agit de sommes déduites de leur résultat en prévision d’une perte ou d’une charge qui n’est pas encore effective à la clôture de l’exercice, mais que des évènements en cours rendent probable.

Pour être admises en déduction du résultat fiscal d’un exercice, les provisions doivent répondre à quatre conditions de fond : la provision doit être destinée à faire face à une perte ou à une charge déductible de l’assiette de l’impôt ; la perte ou la charge doit être nettement précisée ; la perte ou la charge doit être probable ; la probabilité de la perte ou de la charge doit résulter d’événements survenus pendant l’exercice et en cours à sa clôture.

La perte, la dépréciation ou la charge en vue de laquelle une provision est constituée, doit être probable et pas simplement éventuelle. A ce titre, la probabilité est distinguée de la simple éventualité en ce sens qu’elle est établie par des circonstances précises particulières, alors que l’éventualité résulte d’un simple risque d’ordre général.

 

Le Conseil d’Etat a eu à connaître des faits suivants. Une société, exerçant une activité de crédit à la consommation, a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2009 et 2010. A l’issue des opérations de contrôle, l’administration fiscale a remis en cause la déductibilité de provisions pour dépréciation de créances détenues sur la clientèle et constituées au titre de ces exercices.

Cette réintégration s’est traduite par un rehaussement en base de 28.024.168 euros au titre de l’exercice 2009 et une réduction de 6.786.727 euros au titre de l’exercice 2010 en raison de la correction symétrique de la reprise sur cet exercice de la provision comptabilisée au cours de l’exercice précédent.

La société a contesté ce redressement devant le Tribunal administratif de Montreuil qui lui a accordé, dans un jugement du 11 mai 2017, la décharge des suppléments d’impôt en litige au titre de l’exercice clos en 2009 et rehaussé, par voie de conséquence, le résultat de l’exercice clos en 2010 du fait de la correction symétrique.

L’administration fiscale ayant fait appel de ce jugement, la Cour administrative de Versailles, dans un arrêt du 29 mai 2019, a annulé le jugement du tribunal administratif de Montreuil. Pour la Cour, le non-paiement des créances à leur échéance, l’échec des campagnes d’appel, l’impossibilité de compenser cet impayé par un prélèvement sur les comptes bancaires de ses clients n’établissent pas que les créances en litige présentaient, à la clôture des exercices en litige, un risque probable de non recouvrement.

Le Conseil d’Etat, dans un arrêt 433028 du 22 avril 2021, a annulé l’arrêt de la Cour administrative de Versailles : « En statuant ainsi, alors que s’agissant d’une société exerçant une activité de distribution de crédit à la consommation, le constat de retards de paiement des créances, nonobstant les diligences entreprises par l’établissement en vue de leur recouvrement, caractérisent le caractère probable du non recouvrement de ces créances à la clôture de l’exercice, la cour a commis une erreur de droit. »

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