L’illusion de « l’avance » des réductions et crédits d’impôts

Les contribuables bénéficiant d’une réduction ou d’un crédit d’impôt, au titre d’opérations (dons, dépenses de garde de jeunes enfants, investissements Pinel, …) effectuées en 2018, ont reçu le 15 janvier, 60% du montant de cette réduction ou de ce crédit d’impôt. Ce versement est présenté comme un bienfait du prélèvement à la source. Rien n’est plus inexact ! Il a simplement pour objet de neutraliser l’avance de trésorerie, pesant sur les contribuables, générée par le prélèvement à la source.

Avant le prélèvement à la source, l’impôt versé en année N, par tiers ou par mensualités, était calculé à partir de l’impôt, après réduction d’impôt, payé en année N-1 sur les revenus de l’année N - 2.

Avec le prélèvement à la source, le taux du prélèvement sur les revenus de l’année N, est calculé à partir de l’impôt payé, avant réduction d’impôt, en année N-1 sur les revenus de l’année N -2.

Ce changement, dans les modalités de paiement de l’impôt, contraint le contribuable à faire une avance de trésorerie à l’Etat, correspondant au montant de sa réduction d’impôt. Le versement de janvier vient uniquement compenser cette avance de trésorerie.

Étude de cas

L’ancien système de la mensualisation

Un couple marié, avec deux enfants à charge, a un revenu imposable en 2018 de 60.000 €. Ce revenu génère, en 2019, un impôt de 4.215 €. Pour effacer cet impôt, le couple décide, avant le 31 décembre 2018, de faire un don à une association d’intérêt général, de 6.388 €, ce qui lui permet de bénéficier d’une réduction d’impôt de 66%, soit 4.215 €.

Son impôt 2019, sur ses revenus 2018, est donc égal à 0 €. Pour le paiement de son impôt, le couple a opté pour la mensualisation. De janvier à octobre 2020, le Trésor Public doit donc effectuer 10 prélèvements mensuels. Chaque prélèvement est égal au dixième de l’impôt établi en 2019 au titre des revenus de 2018. En conséquence, il n’y a pas de prélèvement, le couple n’ayant payé, grâce à sa réduction d’impôt, aucun impôt.

Le prélèvement à la source

Le couple a toujours un revenu imposable de 60.000 € en 2018 générant un impôt de 4.215 €. Avant le 31 décembre 2018, il effectue un don de 6.388 € pour bénéficier de sa réduction d’impôt de 4.215 €. Avec l’instauration du prélèvement à la source, ce revenu n’est pas imposé en 2019. Toutefois, ce revenu, déclaré en juin 2019, permet de déterminer le taux du prélèvement à la source, applicable de septembre 2019 à août 2020, sur son revenu 2019. Le taux est de 7%. Il ne tient pas compte de la réduction d’impôt à laquelle donnera droit le don de 6.388 € effectué en décembre 2018.

Le couple va donc acquitter 12 prélèvements mensuels de 351 €. Au 31 décembre 2019, il  a déjà acquitté 1.404 € au titre du prélèvement à la source. A cette même date, le foyer fait un nouveau don de 6.388 €. Au 15 janvier 2020, il reçoit 60% de la réduction d’impôt à laquelle lui donne droit son don effectué en 2018, soit 2.529 € (4.215 € x 60%). Ces 2.529 € vont lui permettre d’acquitter pendant sept mois, de janvier à juillet, son prélèvement mensuel de 351 €, soit 2.457 €. Il lui reste 72 € (2.529 € – 2.457 €) pour acquitter son prélèvement de 351 € du mois d’août. Il doit donc effectuer un nouvel effort de trésorerie de 279 € (351 € - 72 €).

Son avis d’imposition, sur ses revenus 2019, est enfin émis. Son impôt est naturellement égal à 0 €. L’Etat va donc lui rembourser l’impôt acquitté à tort, soit 1.404 € + 279 euros (1.683 euros).

Ce remboursement va lui permettre de continuer à payer son prélèvement mensuel qui se poursuit jusqu’au 31 décembre.

Au final, l’avance de crédits et réductions d’impôts ne fait que rétablir, en la complexifiant, la situation qui existait avant la mise en place du prélèvement à la source.